FEMMES EN MOUVEMENT :
Vers une «Initiative pour la construction d’un réseau féministe contre la dette et les mesures d’austérité » en Europe
Alors que nous sommes en train de vivre les pires régressions sociales depuis la deuxième guerre mondiale et que de nouveaux défis historiques se posent pour le mouvement féministe en Europe, les féministes ne disposent ni de lieu ni d’espace pour discuter de ces nouveaux enjeux. Le mouvement semble comme tétanisé, peu ou pas conscient qu’on a changé de période historique, que de nouveaux enjeux se posent à nous, qu’il faut construire un nouveau mouvement féministe européen. Il n’y a pas non plus de compréhension des divers mécanismes de la dette, ce qui permet aux forces de la finance d’imposer des politiques régressives pour la vie même des femmes partout en Europe.
La critique radicale du point de vue féministe du discours dominant en économie à partir de la relation avec la dette est un nouveau champ de réflexion en Europe, y compris pour les chercheuses, les économistes féministes et les militantes des mouvements sociaux. L’analyse de « la crise de la dette » reste trop souvent l’apanage d’un domaine d’expertise exclusivement masculin tandis que la crise de la dette en elle-même est interprétée comme étant ni plus ni moins une catastrophe naturelle, un phénomène naturel tout à fait inévitable… Quant aux répercussions des plans d’austérité, elles sont vécues d’une manière fragmentaire et seulement au niveau national.
Ces différents constats nous amènent à identifier un vide, un manque politique auquel il nous faut répondre !
1) Proposition de texte déclinant l’objectif de notre travail.
Depuis plus de 30 ans, des millions de femmes subissent en Afrique, en Asie et en Amérique Latine les conséquences économiques, sociales et politiques de la dette. Des plans d’ajustements structurels combinant coupes budgétaires et privatisations des services publics (comme la santé, l’éducation, les transports, l’approvisionnent en eau et électricité, etc.) leur ont été imposé au titre du remboursement de la dette extérieure publique. Ces femmes ont résisté à ces politiques violentes et désastreuses pour elles et leur société. Les militantes associatives et politiques ont développé des analyses précises sur les conséquences de la dette et ont créé des outils de luttes collectives contre ces politiques.
Déjà dans les années 80 et 90, des millions de femmes d’Europe de l’Est se confrontèrent à la tutelle du FMI. Augmentation endémique de la pauvreté, destruction économique, nationalismes et guerres furent les conséquences directes de l’incursion cette institution au sein des politiques nationales de ces Etats … Maintenant, la finance internationale s’attaque aux pays occidentaux fragilisés par la crise mondiale. Des pays comme la Grèce, la Hongrie, la Roumanie, l’Irlande et le Portugal sont soumis à des plans d’ajustements structurels socialement dévastateurs. Face à ces défis, le mouvement féministe européen doit réagir et créer une analyse globale des conséquences des politiques ordonnées au nom du paiement de la dette sur l’ensemble de l’Europe
Nous devons nous inspirer du travail de nos camarades des autres continents et développer une vision claire de l’économie nouvelle que nous voulons, une économie qui respecte nos besoins et nous permette de vivre en harmonie avec notre environnement naturel présent et futur.
Pour cela, Il nous faut répondre aux questions suivantes :
ü Quelle est l’origine de la dette dans nos pays ? Qui a décidé de l’endettement des Etats, des structures sociales et des individus ?
ü A qui profite la dette publique et privée ? Quelle personne, structure, institution ne paye pas d’impôt et ne contribue par à l’intérêt général, légalement et illégalement ?
ü Qui possède et à qui profitent les richesses de nos pays ? Comment les richesses sont-elles produites, réparties ? Qui vend et qui encaisse les bénéfices ?
ü Comment l’Etat comble-t-il nos besoins ? Combien dépense-t-on réellement pour satisfaire les besoins des femmes ? De combien sont les dépenses d’éducation, de santé, d’infrastructures utiles aux femmes et à l’émancipation de l’individu ?
ü Comment la baisse des salaires, la précarité de l’emploi, le chômage, les privatisations ;, les coupes dans les budgets sociaux affectent-ils nos vies ? Qui va combler les besoins vitaux non satisfaits du fait de ces politiques et comment le fera-t-on?
ü Comment le secteur informel devient-il de plus en plus une norme sociale vers laquelle les femmes sont poussées pour survivre ? (travail au noir, travail gratuit, travail forcé, agriculture de subsistance, vente à la sauvette, prostitution, mendicité…)
ü Quel modèle économique, agricole, industriel, financier, domestique et collectif les femmes veulent-elles en Europe ?
ü Quels apports féministes aux alternatives à la dette ? (cf. participation avec un angle d’attaque féministe aux procédures d’audit, diffusion de l’information sur les impacts des politiques d’austérité imposés au nom de la dette sur les femmes au sein des réseaux féministes voire féminins européens, mobilisation de ces réseaux pour lutter contre la dette, etc.)
Répondre à ces questions, c’est avoir une idée claire de la situation réelle des femmes en Europe et élaborer une contre-attaque collective efficace en solidarité avec nos camarades qui luttent contre la dette sur tous les continents.
2) Construire un groupe de travail féministe européen :
En conséquence, il s’agit de mettre en route un processus et un espace d’échanges et d’analyses structurées autour des interrogations mentionnées ci-dessus (notons qu’il s’agit d’un plan de travail loin d’être définitif et appelé à évoluer en fonction des apports des unes et des autres) . Le travail prioritaire sera la construction d’un groupe de travail féministe européen. Cherchons dans un premier temps de nouvelles personnes susceptibles de nous rejoindre tout en essayant de prendre des initiatives plus larges pour innover, enrichir et élargir ce processus, l’ouvrir à de nouveaux espaces.
En plus d’une liste de travail mail restreinte, en français pour l’instant, voici quelques propositions
- Groupes de travail par pays :
Mettons-nous également ensemble par pays, là ou nous existons (Belgique, France, Grèce, Hongrie) pour créer, autour de personnes clés des groupes de travail féministes analysant les impacts des mesures d’austérité sur les femmes pays par pays.
- Groupes de féministes par pays plus larges :
Ces personnes, à leur tour, pourront créer des groupes de travail féministes plus larges ayant, entre autres, comme objectifs des interventions vers la société de leurs pays respectifs sur la question de la dette et de l’audit: organiser des meetings, écrire des articles, impulser des manifestations publiques …
- Matériel :
Ces analyses pourront être utilisées ensuite pour écrire des articles, des brochures, réaliser des séminaires, des meetings, des cours de formation, etc. En Grèce, il s’agira aussi d’armer le mouvement féministe pour qu’il puisse soutenir et participer activement à la Commission d’audit de la dette grecque.
3) Collaborations en vue d’élargir notre groupe de travail européen:
Adressons-nous à des personnes du milieu des chercheuses, des économistes, des mouvements sociaux, syndicaux et féministes en Europe, notamment dans les Balkans, les pays de l’Est, l’Allemagne, l’Angleterre… pour proposer notre collaboration.
Etre partie prenante en tant qu’initiative féministe « Contre la dette et les mesures d’austérités » du processus européen en marche, c’est-à-dire participer aux diverses conférences contre la dette et les mesures d’austérité qui auront lieu à Athènes (les 6 et 7 avril), Bruxelles (le 31 mai) et Londres (le 1er octobre), ainsi qu’aux Universités d’été des mouvements sociaux en préparation (cf. Université d’été du CADTM Europe - Belgique du 30 juin au 3 juillet et celle du réseau européen d’ATTAC – Allemagne du 9 au 14 aout 2011).
Notre objectif central est la construction d’un nouveau processus large, susceptible de prendre la forme ultérieure d’un réseau européen. Réseau qui à son tour pourrait engendrer les forces nécessaires pour parvenir à mener une campagne féministe européenne autonome ou/et en collaboration avec les mouvements sociaux.
Si nous réalisons ces quelques idées, nous aurons déjà fait un beau pas en avant …
Contacts :
Christine Van Den Dalen, Belgique [email protected]
Sonia Mitralias, Grèce, [email protected]
Monika Karbowska, France/Pologne, [email protected]
Judit Morva, Hongrie, [email protected]
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