Stockholm le 4 mai 2007.
Proposition faite par Gudrun Schyman
Préambule
Même si aujourd’hui dans aucune des législations existantes en Europe on ne trouve pas inscrite la notion de l’inégalité des sexes (comme référant naturel ou divin), les pays d’Europe sont loin de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, bien que dans de nombreux pays (France, Suède, Espagne, Italie, etc..) les luttes des femmes ont permis des avancés historiques (vote des femmes, avortement, protection maternelle et enfantine, violences conjugales, sexisme, etc...). Cependant beaucoup reste à faire nous le savons et cela malgré une augmentation de la connaissance des causes créant les inégalités H/F. L’ évolution de la société ne va pas toujours dans la bonne direction et les changements sont trop lent.
Où est donc le problème ?
Aujourd’hui nous savons et nous analysons bien mieux les raisons de cette situation. Les connaissances théoriques sont plus développées. De nombreuses organisations politiques, syndicales et associatives ont développé en leurs sein des valeurs féministes. Au niveau des déclarations officielles il n’y a pas de résistance affichée à ces valeurs. Toutefois il y a des obstacles aux changements, une résistance souvent cachée et qui de temps en temps sont exprimés par des « avocats de l’inégalité » (ex. inégalités dûes pour des raisons biologiques). Les mécanismes de la résistance à l’égalité entre H/F sont subtiles. Elles existent aussi bien à l’extérieur qu’en nous-même.
Il existe de nombreuses organisations et institutions officielles où l’égalité entre les sexes est déclarée comme un objectif à atteindre. Des lois ont été voté (ex : Suède, France, Espagne) pour promouvoir l’égalité entre homme et femme tant sur le marché du travail que dans la représentation politique. Les objectifs des législateurs pour combattre les violences envers les femmes et pour l’égalité entre les sexes deviennent de plus en plus ambitieux (ex : Suède et l’Espagne). Cela ne suffit pourtant pas car la politique n’atteint que rarement les fondements des inégalités.
La rhétorique et la pratique
Il y a dichotomie entre objectifs affichés et réalité. On constate que malgré les déclarations officielles des organisations qui se basent sur les valeurs d’égalité, elles n’ont pas réussies à mettre en cause les inégalités, les injustices et les dicriminations. Il y a plusieurs causes à cette séparation. À titre d’exemple : insuffisance des ressources économiques affectées à la question des discriminations, le statut dévalorisé des emplois féminins. On fait le constat des carences et des insuffisances tout en admettant qu’il devient encore plus difficile de voir ce qu’il faut faire pour y remédier.
Les lois n’arrivent pas à atteindre les causes du fossé entre l’égalité formelle et l’égalité réelle. Par ailleurs il y a un écart important entre les connaissances des chercheuses féministes, qui sont connues par des groupes restreints, mais dont les recherches sont ignorées par la majorité de la société. Ecart aussi entre la théorie et la pratique des associations féministes travaillant sur le terrain.
C’est cet écart que l’éducation populaire peut réduire et c’est justement au point de rencontre entre la théorie et la pratique que le militantisme peut se développer. C’est ici que l’éducation populaire jouera un rôle important.
Les limites de la politique officielle
Les changements qui s’imposent pour renforcer l’autonomie des femmes, remettent en cause des structures cachées. Il s’agit de les mettre en lumière, les dévoiler et ensuite les mettre en cause. C’est un travail qui pour une grande part doit être fait en dehors des institutions politiques existantes et avec d’autres outils.
Les institutions politiques ne captent pas tous les domaines où le fait d’être homme ou être femme sont déterminants dans la vie quotidienne. Il est difficiles d’éliminer par des lois des attitudes, des comportements dont nous sommes plus ou moins porteurs. Une loi ambitieuse pour l’égalité entre les sexes, n’arrivera pas a réduire les écarts des salaires entre H/F tant que les hommes ne prendront pas leur part de responsabilité parentale. Les inégalités sont importantes dans la répartition du congé parentale et se répercutent sur le marché du travail dans tous les pays sans exception. Il ne suffit pas d’avoir plus de femmes dans les instances de décision, tant que les opinions des femmes seront considérées comme inférieures à celles des hommes.
Nous manquons d’outils politiques pour pouvoir agir sur le processus continuel de construction du sexe masculin et feminin, aussi bien à l’école que dans les structures d’accueil de la petite enfance, processus qui forment l’identité´de sexe des petites filles et des petits garçons. Processus qui fait comprendre que l’éducation des petits garçons, puis des hommes ont une autre valeur que celle des petites filles qui deviendront des femmes. Les institutions politiques ne sont pas capables d’aborder les rapports de pouvoir inégaux entre hommes et femmes en particulier dans la vie économique et dans la sphère financière. Les outils politiques sont insuffisants pour traiter des discriminations liées au rapport entre H/F notamment, dans les domaines de la sexualisation de la publicité, de la pornographie, de la prostitution et de la violence sexualisée.
La politique se réduit également aux limites d’une réalité qu’on veut bien admettre, de quelle histoire on veut transmettre et de quelles questions et réponses qu’on veut bien poser et entendre. La norme masculine est continuellement présente dans les coulisses. Elle détermine le champ du sujet politique : de quel problème il faut traiter et de quel sujet de société faut-il aborder. Des questions telles que l’ordre et le rapport de pouvoir homme / femme ainsi que les conditions des femmes sont souvent reléguées au domaine de la sphère privée. Des problèmes politiques sont transformés en des symptômes individualo-psychologiques. Les questions de pouvoir sont réduites à des problèmes de faiblesse de comportement des femmes, notamment comme cette affirmation que « les femmes ne sont pas assez pugnaces ou convaiquantes dans les négociations salariales ». Souvent est écartée la question des inégalités à cause des différences de culture, au nom du droit à la différenciation culturelle (mariages forcés). Ces groupes et plus précisement ces femmes ne seraient donc pas « concernées par les questions d’égalité entre sexes » ?!?. Les justifications fantaisistes d’écarter ces questions sont fréquentes. Elles cachent en faite une mise à l’écart mentale des connaissances nécessaires pour voir la réalité telle qu’elle est.
Un véritable changement dans la société doit être fondé sur la prise de conscience des structures de pouvoir de la société. Ce sont ces structures qui doivent être mise en cause. Cela ne suffit pas d’essayer d’allèger les effets et d’amoindrir les conséquences. Si des illusions persistent que seulement des lois suffisent pour arriver à l’égalité, cela permet de contenir les exigeances de changements radicales et d’éviter de changer en profondeur les comportements.
C’est pour cette raison qu’il faut une éducation populaire féministe
L’activité pour arriver à l’égalité entre H/F doit être menée dans l’ensemble des sphères de la société et doit évidemment inclure dès le départ les dimensions HBT (homo-bi-transsexuel), d’antiracisme et du handicap (physique et psychologique). Aujourd’hui nous avons besoin d’un nouveau projet d’éducation populaire féministe dans le but de faire sortir les connaissances et appuyer toute action qui part de la réalité vécue des femmes et de leurs stratégies du quotidien au plus général. L’éducation populaire est de la responsabilité de chacune et de chacun, Mais le travail véritable « de faire » doit être un travail collectif dans des cercles d’étude à l’initiative des groupes organisés dans chaque pays et dans chaque région. Avec l’aide de l’Initiative Féministe Européenne, véritable support européen, avec les différents réseaux du mouvement féministe, des groupes locaux et régionaux pourront organiser des ateliers, des séminaires, des conférences-débats pour développer et diffuser l’éducation populaire féministe. Nous prenons des initiatives, nous décidons d’agir à partir de nos connaissances. Par l’action et l’expérience nous atteindrons à de nouvelles connaissances.
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