Conférence des Femmes des Balkans et des autres régions d'Europe.
Bruxelles 18/19 septembre 2006
Adresse au Parlement Européen à la Commission Européenne
et aux gouvernements nationaux
L'Initiative Féministe Européenne pour une autre Europe, a réuni les 18 et 19 septembre dans les enceintes du Parlement Européen à Bruxelles, des militantes féministes originaires des Balkans et d'autres régions d'Europe pour une conférence autour du thème :
<< La sécurité en Europe, pour qui ? Quelle Europe voulons-nous ? > >
Au delà des différents contextes géographiques et politiques , les participantes ont partagé connaissances et expériences et posé comme priorité l'ouverture et le maintien d'un dialogue féministe constructif pour une autre Europe , avec l' objectif d'élargir et d'enrichir le débat politique dans l'Union Européenne sur la sécurité des personnes , de faire entendre les voix et les expériences des femmes dans ce domaine et de proposer des alternatives .
Les statistiques montrent que, une femme sur trois est battue ou abusée sexuellement au cours de sa vie , plus de 135 millions de petites filles et de femmes ont subi des mutilations génitales . Ces quinze dernières années, toutes les formes de violence à l'encontre des femmes ont provoqué plus de victimes que les deux guerres mondiales et toutes les guerres du 20ème siècle réunies.
En dépit de ces chiffres, ce sont les conflits armés, les guerres civiles et ethniques, le racisme et l'exclusion sociale qui sont décrites comme les principales menaces pour la sécurité humaine.
Les politiques de sécurité et de défense restent fondées sur l'existence d'une menace qui vient de " l'extérieur " , sur la construction de " l'autre " comme ennemi et de ceux qui doivent être protégés à l'intérieur des frontières de l'Etat : " les femmes et les enfants ". Ces politiques restent fondées sur une conception androcentrique du pouvoir basé sur la domination, l'autorité, le contrôle et en dernier recours la force physique et militaire et la capacité de destruction.
La violence masculine envers les femmes sous ses différentes formes est constitutive du système patriarcal de domination , elle est omniprésente et les structures de la violence en temps de guerre et celle des sociétés patriarcales en temps de " paix ", qui portent pour noms précarité, chômage, insécurité économique, traite et prostitution, sont intimement liées.
Les Nations Unies et la Commission pour la Sécurité Humaine ont maintenant recours au concept de « sécurité humaine », avec l’idée de déplacer le coeur du dispositif de sécurité des Etats vers la personne. Mais, cette approche elle-même élude le fait que la menace contre la sécurité des femmes réside aussi à l’intérieur de leur cercle de relations et de proches. Des femmes sont victimes en personne de leurs partenaires, des hommes de leur famille, des proches au sein de leur foyer.
La violence militaire qui sévit , par l’usage des armes en temps de guerre et qui justifie exactions sexuelles et viols , est aussi présente en temps de « paix » dans les foyers comme dans l’espace public.
Aujourd’hui, les politiques de sécurité ignorent cette réalité. La question de la sécurité ne fait que refléter la façon dont les différents niveaux de discrimination à l’encontre des femmes, dans la structure même de nos sociétés inégalitaires, perpétuent la subordination des femmes et le sentiment global d'insécurité en Europe – à l’intérieur, comme à l’extérieur de l’Union. La place grandissante prise par les religions, dans leurs aspects les plus sectaires, au niveau des Etats, participe de cet état de fait.
Bien qu’au niveau des institutions européennes et des Etats, on ne puisse garder plus longtemps le silence sur la question de la violence masculine contre les femmes, il n’existe pas de politiques produisant des mesures concrètes et des changements réels permettant aux femmes de se sentir davantage en sécurité.
Il n’existe pas aujourd’hui de cadre européen légal contraignant les gouvernements nationaux et les institutions à agir efficacement au plan politique contre la domination patriarcale et la violation des droits des femmes.
Sur la base de ces considérations, les participantes à la conférence souhaitent mettre l’accent sur la nécessaire et urgente prise en compte, par les responsables politiques, du discours critique et des analyses féministes .
Elles adressent au Parlement Européen, à la Commission Européenne et aux gouvernements nationaux les exigences suivantes :
- Qu’ils s’attachent immédiatement à repenser et à transformer les politiques de sécurité et de défense de l’Union Européenne pour que le projet européen soit porteur de paix véritable , de justice sociale et de démocratie et constitue l’ alternative nécessaire à la destruction des êtres humains et de l’environnement , l’ alternative à l’auto-destruction.
- Qu’ils interpellent et remettent en cause , à tous les niveaux et de façon radicale, les concepts patriarcaux traditionnels de guerre , de paix et de sécurité. Il est urgent d’envisager la sécurité comme une question humaine basée sur une éthique de solidarité et procèdent à la condamnation immédiate et absolue du recours à la force comme moyen de résoudre les conflits, ainsi que du militarisme et de toutes les autres formes de violence .
- Qu’ils procèdent d’urgence au réexamen du contenu du concept de démocratie. Le fait que, sur les 202 membres de la Commission qui a préparé le projet de traité constitutionnel européen, il n'y ait eu que 17 femmes, n’est que l’un des exemples de cette forte carence de démocratie .
L’égalité entre les hommes et les femmes doit être reconnue comme une valeur fondatrice de l’Union Européenne . - Qu’ils renoncent à un modèle de sécurité et de défense commune qui revient à créer des structures fédérales de sécurité plus puissantes que celles des Etats membres et qui enjoint ces Etats d’augmenter leurs budgets militaires.
- Qu’ils agissent pour un désarmement total, pour la réorganisation des structures militaires en unités civiles d’aide humanitaire et oeuvrent à la résolution des conflits par la voie pacifique. Qu’ils mettent en place des structures de prévention paritaires , dans le cadre des politiques européenne et internationale de sécurité, en lieu et place de l’Agence Européenne de Défense.
- Qu’ils élargissent le concept politique de sécurité globale en y incluant la violence structurelle à laquelle les femmes sont confrontées au quotidien.
- Qu’ils ouvrent, sur les questions de la sécurité, un espace de parole et en assurent l’accès aux populations concernées : les femmes , les féministes, les militant-e-s de la Paix , les associations, les chercheur-e- s….Que cet espace crée la place pour des idées nouvelles , des débats transparents , et des approches novatrices.
- Qu’ils s’attachent à promouvoir une Europe laïque comme objectif fondamental de la politique européenne et mettent en place des politiques qui garantissent le droit de toutes les femmes à disposer de leur propre corps, à bénéficier du droit à l’avortement – en tant que droit humain mais aussi comme partie intégrante de leur propre sécurité .
- Qu’ils reconnaissent la marginalisation globale des besoins et des ressources des femmes , y compris en matière de sécurité et promeuvent des politiques visant à une affectation égale des ressources et du pouvoir entre les hommes et les femmes.
- Qu’ils oeuvrent dés à présent à l’instauration et à l’ harmonisation, pour tous les pays et pour toutes les femmes de l’Union Européenne , de cadres légaux contraignants basés sur les législations les plus progressistes et les plus avancées pour les droits des femmes.
- Qu’ils promeuvent en urgence des politiques et soutiennent les comportements visant à la transformation des relations de pouvoir entre sexes dans l’espace public comme dans l’espace privé.
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