Conférence des Femmes des BalKans et des autres régions d’Europe.
Bruxelles 18/19 septembre 2006
CONCLUSIONS
L'Initiative Féministe Européenne pour une autre Europe, IFE-EFI a réuni les 18 et 19 septembre dans les enceintes du Parlement européen à Bruxelles, une soixantaine de militantes féministes originaires des Balkans et d'autres régions d’Europe ainsi que des militant-e-s pacifistes pour une conférence autour des thèmes « La sécurité en Europe. Pour qui ? » « Quelle Europe voulons nous ? » Cette conférence a été organisée avec le soutien du groupe parlementaire européen GUE/NGL.
Les participantes, au delà de leurs différents contextes géographiques et politiques , ont partagé connaissances et expériences et posé comme priorité le maintien d’un dialogue féministe constructif pour une autre Europe , avec notamment pour objectifs d’élargir et d’enrichir le débat politique dans l'Union Européenne sur la sécurité des personnes et de faire entendre les voix et les expériences des femmes dans ce domaine.
1) La conférence a contribué à mettre en évidence la façon dont les différents niveaux de discrimination à l’encontre des femmes au sein même des structures de nos sociétés inégalitaires perpétuent leur subordination et le sentiment global d'insécurité en Europe – à l’intérieur, comme à l’extérieur de l’Union, dans la vie publique, comme dans la sphère privée.
2) Les participantes se sont accordées sur le fait que, si le projet européen entend être porteur de paix véritable , de justice sociale et de démocratie, l'ensemble de l'UE doit reconnaître les liens qui existent entre patriarcat, violence masculine à l’encontre des femmes et guerre elle doit s’attacher d’urgence à transformer la politique européenne de défense et à promouvoir une conception nouvelle de la sécurité . Pour ce faire, l'analyse et la critique féministes doivent nécessairement être prises en considération par les responsables politiques.
3) La conférence a souligné l’urgence d’une reconnaissance, au plan politique, de la marginalisation globale des ressources et des besoins des femmes , y compris au plan de la sécurité . Cette reconnaissance conditionne une affectation équitable des ressources et du pouvoir politique et économique . Elle a rappelé que l’inégalité entre les hommes et les femmes est un obstacle majeur au développement des sociétés.. Les débats ont porté sur les liens entre violence masculine à l'encontre des femmes, patriarcat, inégalités structurelles qui perpétuent le déséquilibre dans les rapports de pouvoir entre hommes et femmes. Ils ont permis de dégager les liens entre les structures de la violence en temps de guerre et celle des sociétés patriarcales en temps de « paix » qui porte pour noms précarité, chômage, insécurité économique, traite et prostitution. La conférence a également mis l'accent sur le lien entre militarisme et oppression patriarcale, appelant à l'expression et au renforcement d'une éthique de solidarité et d'une plate-forme féministe sur la sécurité .
4) Les débats ont permis de montrer comment la violence militaire pratiquée en période de guerre, justifiant les exactions sexuelles et le viol , est aussi présente en temps de « paix » dans les foyers. Ils ont d’autre part mis en évidence la nécessité d’interpeller et de remettre en cause , à plusieurs niveaux et de façon radicale, les concepts patriarcaux traditionnels de guerre , de paix et de sécurité. Les oratrices ont invoqué l’urgence d’envisager la sécurité comme une question humaine basée sur une éthique de solidarité. Cela a conduit à souligner la nécessité d’inclure de façon urgente les analyses féministes dans les approches politiques, à tous les niveaux, et de reconceptualiser les notions évoquées plus haut. À cela s’est ajoutée la condamnation absolue du recours à la force comme moyen de résoudre les conflits, du militarisme et de toutes les autres formes de violence ainsi que l’exigence d’une démilitarisation globale.
5) D’autre part, les interventions ont mis en exergue les liens entre l’inégalité des droits aujourd’hui entre les hommes et les femmes en Europe et le manque de cadre légal contraignant à même de garantir l'égalité et la démocratie et d'assurer le partage équitable du pouvoir entre les sexes. Ceci pose la question d’un réexamen sérieux et urgent du concept de démocratie. Le fait que , sur les 202 membres de la Commission qui a préparé le projet de traité constitutionnel européen , il n'y ait eu que 17 femmes , illustre cette carence de démocratie .
6) La conférence a souligné la corrélation entre l’augmentation des budgets militaires et de l’armement et la restriction des budgets du secteur public ; ainsi le régime politique néo libéral qui s'est imposé à l'UE et qui sera étendu aux futurs membres se développe principalement aux dépens des femmes. La conférence a manifesté sa préoccupation quant au modèle de sécurité et de défense commune qui revient à créer des structures fédérales de sécurité plus puissantes que celles des Etats membres et qui enjoint ces Etats à augmenter leurs budgets militaires.
7) Les participantes ont montré dans leurs interventions l’ampleur de la régression des droits sexuels et reproductifs des femmes dans toute l’Europe et souligné le lien existant entre cette régression et l’influence croissante que les États accordent aux Églises, influence confortée dans le projet de traité constitutionnel européen. La nécessité de la séparation de l'Église et de l'État et la promotion d'une Europe laïque ont été actées comme des priorités majeures de la politique européenne. L'UE doit mener une politique qui affirme le droit des femmes à disposer de leur propre corps, à bénéficier du droit à l’avortement qui est non seulement un droit humain mais est partie intégrante de la sécurité des femmes.
8) La conférence a mis en évidence le lien entre la représentation des femmes dans les instances, leur participation à la vie politique et la promotion de mesures conformes aux intérêts des femmes au premier plan de l’agenda politique. Elle a souligné la nécessité de prendre pour cible le système patriarcal dans sa continuité et dans sa cohérence , en déconstruisant le mythe selon lequel le pouvoir ne conviendrait pas aux femmes . L’éducation populaire féministe figure parmi les priorités évoquées pour cette déconstruction.
9) Les participantes ont partagé leurs expériences et leurs réflexions ainsi que leurs critiques du concept traditionnel de sécurité en relation avec l'intitulé de la conférence « la sécurité en Europe – pour qui ? » En confrontant et en rassemblant les différentes expériences, en mettant en commun les différents niveaux de connaissances , en analysant les discriminations dont les femmes sont victimes en temps de guerre comme de paix, les féministes et militantes pacifistes du continent, par delà les frontières des différents pays, ont naturellement remis en cause le concept traditionnel de sécurité en tant que concept limité aujourd’hui à la défense des droits de ceux qui détiennent le pouvoir.
La question de la sécurité des personnes a été définie comme une question personnelle , politique et, en tant que question sociale comme l’ exigence légitime au droit de vivre sans crainte, en tous lieux et dans à tous les moments de sa vie. La violence masculine envers les femmes sous ses différentes formes est structurelle , elle dépasse les frontières des États et franchit les limites de la sphère privée. Elle est omniprésente. C'est pourquoi, elle constitue pour chaque femme un problème de sécurité. La conférence a montré l'importance d'élargir le concept politique de sécurité en y incluant la violence structurelle envers les femmes au quotidien. Elle a aussi réaffirmé que la liberté de choix pour les femmes signifie l’accès à l'éducation, à la santé, aux ressources, au travail, et au pouvoir de décision. Dans le même temps, la conférence a rappelé l'urgence de promouvoir des politiques et des façons d’être qui conduisent à la transformation des relations de pouvoir entre sexes et des représentations des deux sexes dans l’espace public comme dans l’espace privé.
10) Une plate forme exigeant des changements et des orientations politiques visant à en finir avec le déséquilibre des relations de pouvoir entre hommes et femmes et l’insécurité des femmes sera prochainement adressée par les participantes de la conférence au Parlement Européen, à la Commission Européenne et aux gouvernements nationaux .
Cheres Amies, bravo!
Bises,
Vos copines d'EFI Pologne
Rédigé par : Nina Sankari | 27/03/2011 à 20:50